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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/318

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CORRESPONDANCE


l’étourdissaient et l’humiliaient. Tout alla cependant assez bien jusqu’au temps des émeutes [1]. Mais alors l’activité et la force d’âme que déploya M. Turgot, fit, avec l’indifférence et la nullité du premier ministre, un contraste que celui-ci ne put digérer. On fit cette chanson contre lui :

« Monsieur le comte, on vous demande :
« Si vous ne mettez le holà,
« Le peuple se révoltera.
« Dites au peuple qu’il attende ;
« Il faut que j’aille à l’Opéra. »

Il y avait été réellement le jour de l’émeute, et l’on savait que M. Turgot avait passé trois nuits de suite. M. Lenoir, espèce de valet aux gages de tous les ministères, plaisait assez à M. de Maurepas : M. Turgot le fit renvoyer par le roi, sans en avoir prévenu l’autie. Le parlement, qui voulait augmenter les soulèvements en faisant semblant de les calmer, fut réduit au silence. On n’avait su combien cet acte était nécessaire qu’à onze heures du soir. M. Turgot partit pour Versailles ; il réveilla le roi. Le conseil fut assemblé pendant la nuit, le lit de justice résolu, les affiches d’un arrêt séditieux couvertes avant le jour. M. de Maurepas, étonné, effrayé, avait laissé faire ; mais il lui resta contre M. Turgot une jalousie d’autant plus grande, d’incapable de sentir l’âme de M. Turgot, il le regarda comme un rival dangereux. Le garde des sceaux [2]s’aperçut de ce senti-

  1. La révolte des blés, en 1775.
  2. Maupeou.