réformes d’abus ; la perle de sa considération dans
la magistrature, qui lui reprochait d’avoir été de
l’avis du lit de justice ; la tournure de son esprit, absolument opposé à celui d’administration, et qui lui rendait sa place insupportable, tout cela le détermina à quitter. M. de Maurepas, qui n’aurait osé attaquer M. Turgot et lui, voulut profiler de sa retraite pour perdre le restaurateur de la nation et
l’ami du peuple. Il s’y prit avec adresse. Il savait
qu’une réforme dans la dépense de la maison du roi
était nécessaire ; que sans cela, au lieu de diminuer les dettes et les impôts, il faudrait les augmenter incessamment, et que M. Turgot était prêt de présenter au roi un mémoire qui lui montrerait l’état de ses finances et la nécessité de réformer la cour, si on ne voulait ni se déshonorer par une banqueroute, ni se rendre odieux en écrasant le peuple.
Il n’y aurait eu alors que deux partis : ou consentir à la réforme, ou laisser partir M. Turgot. Le roi n’aime pas le faste ; il a naturellement le sens assez droit ; son âme n’est point encore corrompue ; il est faible, mais sans passions. Il pouvait accepter le plan, et dès lors M. Turgot devenait inattaquable.
Il était donc nécessaire de prévenir ce moment.
M. de Maurepas imagina d’insinuer au roi de prendre
M. Amelot pour ministre. Vous le connaissez :
on ne lui reproche qu’une bêtise au-dessus de l’ordre commun ; mais il était aisé de prévenir cette objection.
Ce projet réussit, et la réforme devenant impossible
avec M. Amelot, il fallait, ou que M. Turgot
quittât, ou qu’il attendît jusqu’à ce que
l'impos-
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Apparence
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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.