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CORRESPONDANCE

Je n’ai jamais été de l’avis de ceux qui dénigrent Jean-Baptiste [1]. Je ne crois point du tout qu’il ait commencé par une banqueroute, puisque ses premières opérations furent de diminuer la taille de deux millions, et de faire baisser le prix du pain en temps de famine. L’année de sa mort fut la seule où la dépense se trouva égale à la recette, et cela n’est jamais arrivé depuis lui. Il créa en peu de temps une marine formidable qui ne serait pas inutile aujourd’hui. Je l’ai toujours regardé comme un très-grand homme, quoi qu’il eût des défauts, et même des ridicules. Je suis à Caton, mais je ne puis abandonner Jean-Baptiste.

Toutes ces disputes sont des balivernes. L’essentiel pour moi est que la petite ville que je bâtissais tout doucement est détruite avant d’être achevée, et que ses ruines m’écrasent. Je ne pourrai pas dire en ce moment :

Urbem ridiculam statui, mea mænia vidi,
Et nunc parva meî sub terras ibit imago.

Mes pauvres horlogers qui avaient fondé la ville sont persécutés. Je ne suis pas assez sot pour les soutenir. J’abandonne tout ; je meurs ruiné. Jean s’en alla comme il était venu !

Cependant Gilles Shakspeare et maître Guénée [2]

  1. J.-B. Colbert.
  2. L’abbé Guénée, autour des Lettres de quelques Juifs à M. de Voltaire.