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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/360

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CORRESPONDANCE


der une lecture de cette singulière lettre que je lui renvoie.

M. de Villevieille, mon rival dans le culte d’hyperdulie que j’ai pour vous, dit qu’il vous embrasse aussi tendrement que moi.



84. A VOLTAIRE.


Ce 21 décembre 1777.


Mon cher et illustre maître, je ne saurais être de votre avis sur la lettre de Fénelon [1]. 1° Les maximes de droit public sur les usurpations que des traités, suite d’une guerre injuste, ne peuvent légitimer, me paraissent dignes de Fénelon. Si en politique la prescription peut établir un droit légitime, ce ne peut être en faveur de la personne même de l’usurpateur ; 2° la conquête de Strasbourg, ville libre, fut un vol dont aucun casuiste ne pouvait absoudre sans exiger la restitution. En vain dira-t-on que le conseil de la ville était d’accord avec Louis XIV. Prétendra-t-on que les brigands ont droit de garder les effets volés dans un coche, parce que le cocher était complice ? Je ne trouve point de bassesse à écrire sous un nom en l’air ce qu’il est impossible d’écrire sous le sien. Une lettre comme celle de Fénelon n’est pas plus un libelle anonyme que les Provinciales, c’est également une espèce d’apologue. Une lettre anonyme qui ne sera pas criminelle étant signée, ne l’est point lorsqu’elle est sans signature. Cacher son

  1. Voyez la lettre précédente.