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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/378

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CORRESPONDANCE


chez mademoiselle de l'Espinasse. Je vous enverrai dimanche un précis de la pièce et quelques vers. Adieu, Monsieur ; vous avez bien raison de compter sur une amitié solide et tendre de ma part. Je ferai vos commissions auprès de mes amis [1]. Nous désirons tous trois de vous voir ; mais nous trouvons que la vie des Limousins [2] doit aller avant nos plaisirs. Si les gens qui gouvernent pensaient de même, tout le monde aurait du pain.


7. A TURGOT.


Ce 23 décembre 1770.


Monsieur, j’ai entendu la pièce de M. de La Harpe [3] : c’est une traduction du Marchand de Londres. Il l’a un peu accommodé à nos mœurs ; mais l’assassinat qu’on est supposé ne pas voir, et la maîtresse de Barnevelt qu’on voit peu, sont encore beaucoup trop révoltants. La pièce n’a point paru faire d’effet à la lecture ; mais elle est en général écrite avec élégance, et remplie de beautés de détail. En voici deux morceaux : l’un de Lucie, fille du négociant chez qui Barnevelt a été élevé, et que la conduite de ce jeune homme qu’elle aime plonge dans la mélancolie :

Je ne sais si mes sens ainsi que ma raison
Furent dans mon enfance atteints du noir poison

  1. M. et Mme Suard.
  2. Turgot était alors intendant du Limousin.
  3. Barnevelt, imité ou traduit de Lillo.