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ENTRE TURGOT ET CONDORCET.



68. A TURGOT.


(? 1776.)


Comme je n’ai pu vous voir seul hier et avant-hier, je n’ai pu vous parler d’une affaire sur laquelle je n’ai voulu prendre de parti qu’après vous avoir consulté.

M. de Niernois [1] a chargé M. de Keralio de m’avertir que l’on a dit à M. de Maurepas que j’étais l’auteur d’une lettre contre M. Necker (c’est précisément celle que je n’ai pas lue) ; que M. de Nivernois m’avait défendu en disant que ce n’était pas du tout mon style ; que M. de Maurepas avait peine à se persuader que je fusse capable d’écrire un ouvrage qui pouvait nuire au crédit public. En conséquence, M. de Nivernois pensait que je devais écrire à M. de Maurepas, non pour lui dire que j’admirais M. Necker, et que je serais bien fâché d’écrire contre lui (car il avait prévu cette objection), mais pour l’assurer simplement que je n’étais pas l’auteur de la lettre, et que, bien loin d’écrire des ouvrages nuisibles à l’État, je serais au contraire fort aise de lui être utile.

J’ai delà répugnance à écrire cette lettre : 1° parce que cette démarche ne me paraît bonne à rien ; 2° parce qu’aucun homme raisonnable ne peut de bonne foi m’attribuer cette pièce ; 3° parce que l’habitude de désavouer ce qu’on n’a point fait peut conduire à la nécessité de nier ce qu’on a fait ; 4° parce

  1. Le duc de Nivernois, beau-frère de M. de Maurepas.