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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.



14. DU ROI DE PRUSSE.


Potsdam, 29 juin 1785.


J’ai reçu votre lettre, mais j’attends votre ouvrage [1], qui n’est pas encore arrivé. Je vous remercie de me l’avoir communiqué, et je m’en tiendrai à la préface, comme vous me l’indiquez ; car les ignorants de ma classe se contentent du résultat de vos calculs, sans sonder les profondeurs infinies.

A l’égard de vos opinions touchant la peine du délit, je suis bien aise que vous soyez du même sentiment que le marquis Beccaria. Dans la plupart des pays, les coupables ne sont punis de mort que lorsque les actions sont atroces. Un fils qui tue son père, l’empoisonnement et pareils crimes, exigent que les peines soient grièves, afin que la crainte de la punition retienne les âmes dépravées qui seraient capables de le commettre.

Pour ce qui concerne la question, il y a près de cinquante ans qu’elle est proscrite ici, comme en Angleterre. La raison est des plus convaincantes : elle ne dépend que de la force ou de la vigueur du tempérament de celui auquel on l’applique. Un moyen qui peut produire un aveu de la vérité, ou un mensonge que la douleur extorque, est trop incertain et trop dangereux pour qu’on puisse l’employer. Je comprends malheureusement que la philosophie n’ose pas marcher tête levée dans tous les pays.

  1. L'Essai sur le calcul des probabilités. Voyez la lettre précédente.