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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.



15. DU ROI DE PRUSSE.


Potsdam, 14 mai 1785[1].


Je vous suis très-obligé de la peine que vous vous donnez pour me procurer des instituteurs dont notre Académie a grand besoin. Je conçois qu’il y a des lenteurs tant pour le choix des sujets que pour les déterminer à accepter les postes qu’on leur propose ; et je ne doute point que vous ne réussissiez à me procurer des gens habiles, de quoi je vous aurai une grande obligation.

J’en viens à l’article des lois que M. de Beccaria a bien expliquées, et sur lesquelles vous avez également écrit. Je suis entièrement de votre sentiment, qu’il ne faut pas que les juges se pressent à prononcer leurs sentences, et qu’il vaut mieux sauver un coupable que de perdre un innocent. Cependant je crois m’être aperçu, par l’expérience, qu’il ne faut négliger aucunes des brides par lesquelles on conduit les hommes, savoir : les peines et les récompenses ; et il y a tels cas où l’atrocité du crime doit être punie avec rigueur. Les assassins et les incendiaires, par exemple, méritent la peine de mort, parce qu’ils se sont attribué un pouvoir tyrannique sur la vie et sur les possessions des hommes. Je conviens qu’une prison perpétuelle est en effet une punition plus cruelle que la mort ; mais elle n’est pas si frap-

  1. L’édition de 1789 met octobre ; c’est une erreur que le contenu de la lettre rend visible. L’erreur contraire avait été commise à la lettre 19 de cette édition. Voyez la note p. 315.