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LETTRE


« plaisirs des sens de toute espèce, sans y soupçonner aucun crime, aucune indécence. Les habitants du Valais regardent ces crétins comme les anges tutélaires des familles, comme des saints, et ceux qui ont le malheur de n’en avoir pas dans leur parenté se croient sérieusement brouillés avec le ciel. On ne les contrarie jamais Il y en a des deux sexes, et on les honore également, soit qu’ils soient hommes ou femmes. Le respect qu’on porte à ces personnes atteintes du crétinage est fondé sur leur innocence ou leur faiblesse ; ils ne sauraient pécher, parce qu’ils ne distinguent pas le vice de la vertu, etc., etc.

« La plupart de ces détails, dit M. de Paw dans une note, sont tirés d’un mémoire de M. le marié quis de M***, lu à la Société royale de Lyon. »

Voici le fait. Il y a environ 25 à 28 ans que feu M. le marquis de M***, mestre de camp de cavalerie, jeune encore, plein d’esprit et de vivacité, fit un voyage en Suisse pour son amusement ; il y porta la gaieté naturelle et tout le pétillant d’un vin de Champagne mousseux. Ce qui a fait dire au Nestor du Parnasse :

Ce vin de nos Français est l’image brillante.

Cette humeur contraste si fort avec les mœurs tranquilles et le ton réfléchi qui règne en Suisse, quelle y fut prise pour de l’étourderie ; moins tolérants et pleins de franchise, les habitants de Sion entre autres témoignèrent au marquis de M*** qu’ils étaient choqués de ses plaisanteries, du ton qu’il