Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/555

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
353
SUR SVÉDENBORG A M***.


leil de justice dont ils sont éloignés. Mais à peine sont-ils frappés de ses premiers rayons, qu’ils voient toute l’horreur de leurs actions, ce qui leur cause un sentiment de terreur et de dégoût si insupportable, qu’ils se hâtent de retourner dans la demeure qui leur est assignée.

— « On m’a dit que vous aviez fait un livre sur le mariage des morts ?

— « C’est un des plus grands mystères du ciel : chaque esprit s’unit d’une manière indissoluble à un autre esprit, et leur bonheur redouble par la communication de leurs sentiments et de leurs pensées. Au reste, ces unions sont indépendantes du sexe qu’avaient eu dans ce monde les corps des esprits qui se marient dans l’autre. Le mariage terrestre n’est qu’une image de cette union des esprits. Ce n’est que pour cela que l’adultère est un si grand péché. J’ai beaucoup travaillé à en dégoûter mes compatriotes, et vous ne sauriez croire combien ce zèle m’a valu de mauvaises plaisanteries. Il y avait entre autres un certain général qui passait sa vie à se moquer de moi. Savez-vous ce qui lui est arrivé ?

— « Quoi donc ?

— « Il est mort. Eh bien, je l’ai trouvé là-haut, persistant dans son péché, riant encore des mauvais tours qu’il avait joués aux maris de ce monde. Oh ! je vous réponds que celui-là ne verra de longtemps le soleil de justice.

— « Vous l’avez vu sans doute ?

— « J’en ai vu deux : l’un qui ressemble au soleil, l’autre qui ressemble à la lune. On voit le premier