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SUR SVÉDENBORG A M***.


vous vous moquez aussi de moi. J’en suis fâché pour vous. Vous ne verrez peut-être pas le soleil de justice avant mille ans d’ici j mais vous le verrez un jour, car vous êtes un bon homme. »

Nous nous séparâmes, et je vis clairement que Svédenborg n’était devenu fou que pour avoir négligé de faire une petite expérience de physique. Il avait pris pour des vérités les fantômes produits par l’irritation de ses yeux, et était parvenu à mettre de l’ordre dans ces fantômes, comme les hommes apprennent à en mettre dans leurs sensations et leurs idées. Il avait conservé toute sa raison, et était précisément dans le cas d’un homme qui, n’ayant pas d’idée de la lanterne magique, aurait pris pour des objets réels tout ce qu’elle fait voir, et bâti un système d’après ces illusions. On sent combien, pour peu que les objets fussent bizarres et mal terminés, il aurait de facilité pour faire cadrer ce système avec ses opinions et ses idées.


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