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A L'ACADÉMIE FRANÇAISE.


désormais ne peut arrêter ni suspendre, n’auront d’autres bornes que celles de la durée de l’univers.

Cependant n’est-il pas un terme où les limites naturelles de notre esprit rendraient tout progrès impossible ? Non, Messieurs : à mesure que les lumières s’accroissent, les méthodes d’instruire se perfectionnent ; l’esprit humain semble s’agrandir, et ses limites se reculer. Un jeune homme, au sortir de nos écoles, réunit plus de connaissances réelles que n’ont pu en acquérir, par de longs travaux, les plus grands génies, je ne dis pas de l’antiquité, mais même du dix-septième siècle. Des méthodes toujours plus étendues se succèdent, et rassemblent, dans un court espace, toutes les vérités dont la découverte avait occupé les hommes de génie d’un siècle entier. Dans tous les temps, l’esprit humain verra devant lui un espace toujours infini ; mais celui qu’à chaque instant il laisse derrière soi, celui qui le sépare des temps de son enfance, s’accroîtra sans cesse.

Toute découverte dans les sciences est un bienfait pour l’humanité ; aucun système de vérités n’est stérile. Nous avons recueilli le fruit des travaux de nos pères : gardons-nous de croire que ceux de nos contemporains puissent rester inutiles, et jouissons d’avance du bonheur qu’ils répandront un jour sur nos neveux, comme un père voit avec plaisir croître et s’élever l’arbre dont l’ombrage doit s’étendre sur sa postérité.

Il me serait facile de confirmer cette vérité. Témoin nécessaire du progrès des sciences, je vois chaque année, chaque mois, chaque jour, pour ainsi dire,