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A L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


panégyriques retentissent encore autour de nous ; vous en trouverez peu à qui nous ne puissions reprocher des actions que, de nos jours, le mépris public eût flétries d’un opprobre ineffaçable.

Vous-mêmes cependant vous les comptez parmi les hommes vertueux. Eh ! n’est-ce pas avouer que leurs vices furent de leur siècle ; que, pour les rendre justes, il eût suffi de les éclairer ? Plaignez-les donc avec nous d’avoir vécu dans ces temps d’ignorance où l’homme de bien, qui ne pouvait trouver dans une raison grossière encore des principes immuables et sûrs, était forcé de prendre pour guide l’opinion de son siècle, et de borner sa vertu à s’interdire, même dans le secret, les actions que cette opinion avait placées au rang des crimes.

Voyez maintenant, d’un bout de l’Europe à l’autre, les hommes éclairés réunir tous leurs efforts pour le bien de l’humanité, et tourner vers cet objet seul toutes leurs forces avec un courage et un concert dont aucun siècle n’a donné l’exemple. L’usage barbare de la torture est presque aboli ; la voix publique, cette voix si impérieuse lorsque l’humanité l’inspire et qu’elle est dirigée par la raison, demande d’autres réformes dans cette partie des lois, et elle les obtiendra de la justice des souverains.

L’Américain, en rompant ses chaînes, s’est imposé le devoir de briser celles de ses esclaves ; et, de tous les peuples libres, il a le premier appelé tout ce qui cultivait la même terre, aux mêmes droits et à la même liberté. La souveraine du Portugal, en gémissant de ne pouvoir imiter en tout ce grand exemple,