ne consiste pas dans le nombre des mots qu’elles
emploient, mais dans l’abondance de ceux qui expriment
avec précision des idées claires. Elles seront,
il est vrai, moins hardies et moins figurées. L’orateur
qui ne demande que des applaudissements, ou
qui cherche à séduire, pourra se plaindre de l’austérité
ou de la sécheresse des langues ; mais elles
offriront un instrument plus flexible et plus parfait
à celui qui ne voudra qu’éclairer les hommes.
Les lumières doivent également influer sur le talent même ; elles l'étendent et l’agrandissent. Voyez Voltaire méditant un grand ouvrage : il rassemble autour de lui, et tout ce qu’une lecture immense lui a révélé des secrets de la nature, et les trésors qu’il a puisés dans l’histoire, et l’étude profonde qu’il a faite des opinions et des mœurs ; il semble n’oser lutter seul contre les difficultés de son sujet ; et s’il a été si grand, s’il est unique jusqu’ici dans l’histoire des lettres, c’est qu’il a joint à un désir immense de gloire une soif inépuisable de connaissances, et qu’il a su réunir sans cesse l’étude au travail, les lumières au génie.
La justesse de l’esprit s’accroît par la culture des sciences ; et elle est si nécessaire dans les arts, que ces hommes rares, en qui la justesse de l’esprit ne frappe pas moins que la supériorité du talent, sont les seuls qui aient été placés au premier rang par la voix unanime de tous les peuples. Cette justesse est peut-être même la seule qualité qui distingue le grand homme que nous admirons, de l’homme extraordinaire qui ne fait que nous étonner.