mencent à éprouver le besoin du repos, il devint un de nos écrivains les plus féconds et les plus infatigables.
Il publia ces Contes où des tableaux voluptueux
n’alarment jamais la décence, où une plaisanterie
fine et légère répand la gaieté au milieu des
combats éternels et des longs amours de nos paladins :
le naturel des sentiments et des images fait
oublier le merveilleux des aventures. Rajeunis par
lui, nos anciens romanciers ont de l’esprit, et même
de la vérité ; leur imagination vagabonde n’est plus
que riante et folâtre. Enfin, l’Arioste lui-même n’a
perdu, entre les mains de M. de Tressan, que ce
qu’un grand poète est condamné à perdre dans une
traduction en prose.
La vieillesse est peut-être l’âge de la vie auquel ces ingénieuses bagatelles conviennent le mieux, et où l’on peut s’y livrer avec moins de scrupule et plus de succès. C’est lorsqu’on est désabusé de tout, qu’on a le droit de parler de tout en badinant. C’est alors qu’une longue expérience a pu enseigner l’art de cacher la raison sous un voile qui l’embellisse, et permettre à des yeux trop délicats d’en soutenir la lumière ; c’est alors qu’indulgent sur les erreurs de l’humanité, on peut les peindre sans humeur, et les corriger sans fiel.
On n’a plus la force de suivre la vérité qui se dérobe à notre faiblesse ; les traits profonds qui peignent les passions, échappent à une âme qui n’en conserve plus que des souvenirs presque effacés. La réalité n’offre à la vieillesse que des regrets : c’est dans un monde idéal qu’elle doit chercher à exister.