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DE M. DE CONDORCET.


pas l’occasion de faire un usage utile des vérités qu’on doit à la philosophie et aux sciences, ou sont arrêtés au milieu de leurs travaux par des questions qu’elles seules peuvent résoudre. L’art de la guerre, cet art qui dépend bien plus du génie que des connaissances acquises ; où les héros semblent devoir tout à eux seuls, et rien à ce qu’on a pu leur enseigner ; cet art éprouve lui-même, dans presque toutes ses parties, le besoin de ces sciences paisibles, fondées sur l’expérience ou sur le calcul, et ses progrès, qui ont suivi ceux des connaissances humaines, en ont fait, même de nos jours, une véritable science. Aussi, les plus grands maîtres de cet art se sont-ils montrés dans ce siècle les plus dignes protecteurs de la philosophie et des lettres [1] ; et si cette protection n’avait pas été une suite nécessaire de l’étendue de leurs lumières et de l’élévation de leur caractère, l’intérêt seul de leur gloire leur eût inspiré la même conduite ; car les siècles éclairés peuvent seuls assigner la place qu’ils méritent, et sentir la différence du conquérant qui ne doit ses victoires qu’à la terreur qu’inspire sa férocité, et du héros dont le génie maîtrise les événements, et sait encore diminuer les maux de la guérie.

Mais, si ceux qui ont intérêt de craindre le progrès des lumières, n’osent plus supposer qu’elles sont dangereuses, ils ont essayé de rendre du moins

  1. On connaît les liaisons du maréchal de Villars et du maréchal de Saxe avec Voltaire. Berwick fut l’ami de Montesquieu. Ou sait que le prince Eugène a donné le premier, à la cour de Vienne, l’exemple de l’amour des lettres et de la philosophie.