Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/658

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
456
DISCOURS


servations, soit parce que, dans les gouvernements populaires, toute vérité trop opposée aux idées vulgaires expose le savant qui oserait s’en rendre l’apôtre, à des dangers réels ou à la haine d’une multitude dont on peut mépriser les erreurs, mais dont il faut capter le suffrage.

Nous préférons cette opinion à celle qui suppose que Pythagore a dû ces vérités à l’Inde ou à l’Égypte. Il fallait en effet, pour imaginer un pareil système, s’élever trop au-dessus des sens ; il fallait employer une combinaison d’idées trop profonde pour que l’on puisse, avec quelque vraisemblance, en attribuer la première invention à des peuples esclaves, dans leurs opinions comme dans leurs personnes, et tremblant avec une égale lâcheté devant leurs tyrans, devant leurs prêtres ou devant leurs ennemis. Et ces prétres (dont on a tant vanté le prétendu savoir), contents des faibles connaissances qui les rendaient supérieurs à leurs stupides compatriotes, n’ont jamais rien perfectionné (en supposant même qu’on puisse s’en rapporter à leurs histoires) ; sinon l’art de perpétuer l’ignorance du peuple, de multiplier ses erreurs et d’en profiter.

N’est-il donc pas plus naturel d’attribuer ceux des premiers progrès des sciences qui ont demandé du génie, à ce même peuple grec, au génie duquel les sciences ont dû, depuis, tous leurs progrès ; au seul peuple de l’antiquité chez qui l’on trouve ce don d’invention, aujourd’hui répandu chez la plupart des nations de l’Europe, et alors concentré dans l’unique pays où les hommes connussent un autre