il pouvait croire nécessaire de la conserver encore
en France : une erreur de bonne foi est toujours excusable ; mais devait-il faire insulter par des hommes
qui lui appartenaient une opinion qui était
aussi la sienne ? Pouvait-il devenir tout à coup le
zélé partisan d’un roi, précisément parce que ce roi
avait violé ses serments, et l’ayant par sa fuite
exposé lui-même à la fureur populaire, l’avait forcé
à recevoir le secours humiliant de ses ennemis déclarés ?
Comment un républicain pouvait-il se mettre
à la tête d’une persécution contre les républicains ?
Je lui écrivis le 17 juillet 1791 : Depuis douze
ans vous êtes compté parmi les défenseurs de la liberté ; si vous ne changez de conduite, encore quelques jours, et vous serez compté parmi ses oppresseurs.
Le soir même, ma prophétie fut accomplie,
et je ne l’ai pas revu depuis.
La place que j’avais à la Trésorerie nationale n’était pas soustraite à la dépendance du pouvoir exécutif, et la constitution n’assurait pas assez la liberté contre un roi et des ministres qui en étaient les ennemis, pour que l’on pût regarder la nouvelle Assemblée nationale comme une législature ordinaire. Je devais donc, en perdant l’espérance de servir mon pays dans une place d’administration, désirer de soutenir ailleurs la cause de la révolution, c’est-à-dire, celle d’une liberté réelle, celle de l’égalité.
Je fus nommé député à l’Assemblée législative [1],
- ↑ Le 26 septembre 1791, par l’Assemblée électorale de Paris. Il y eut trois tours de scrutin ; Condorcet obtint au troisième tour 351 voix : il fut nommé.