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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/809

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ÉPITRE, ETC.


Inutile à lui-même eu son pressant danger,
Au sort qui le menace il demeure étranger ;
Un jour ressemble à l’autre ; une vague espérance
Sépare du néant sa fragile existence.
A peine du passé quelque doux souvenir,
Quelque regard furtif jeté sur l’avenir,
Dans son cœur oppressé peut rappeler la vie.
Heureux si, secouru parla philosophie,
Il pouvait loin de lui, par le charme emporté,
Dans un monde idéal suivre la vérité ;
D’un aride calcul combiner le système ;
Peindre le genre humain pour s’oublier lui-même,
Et de rêves brillants composant son sommeil,
Attendre dans ses bras le moment du réveil.
Quel sera ce réveil ? Mais chassons cette idée ;
Vers de plus doux objets mon âme est entraînée.
Crois-tu que notre enfant puisse encor retenir
De son père proscrit un faible souvenir ?
Que son cœur de mes traits ait gardé quelque image ?.....
Dis-lui que je l’aimais ; qu’au milieu de l’orage,
Insensible à mes maux, ses pertes, tes malheurs,
Abattaient mon courage et m’arrachaient des pleurs ;
Que son portrait, tracé par une main chérie.
Fut un double bienfait pour mon âme attendrie ;
Que mes soins, de son sort tendrement occupés,
Préparaient pour son cœur d’utiles vérités.
Et toi, de notre amour conserve la mémoire ;
Contre ses ennemis défends un jour ma gloire.
J’ai servi mon pays, j’ai possédé ton cœur ;
Je n’aurai point vécu sans goûter le bonheur.


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