un plaisir pour les âmes devenues inaccessibles à
ceux de sentiments plus heureux.
Cette douce sensibilité, qui peut être une source de bonheur, a pour origine première ce sentiment naturel qui nous fait partager la douleur de tout être sensible. Conserve donc ce sentiment dans toute sa pureté, dans toute sa force ; qu’il ne se borne point aux souffrances des hommes : que ton humanité s’étende même sur les animaux. Ne rends point malheureux ceux qui t’appartiendront ; ne dédaigne point de l’occuper de leur bien-être ; ne sois pas insensible à leur naïve et sincère reconnaissance ; ne cause à aucun des douleurs inutiles : c’est une véritable injustice, c’est un outragea la nature, dont elle nous punit par la dureté de cœur que l’habitude de cette cruauté ne peut manquer de produire. Le défaut de prévoyance dans les animaux est la seule excuse de cette loi barbare qui les condamne à se servir mutuellement de nourriture. Interprètes fidèles de la nature, n’allons pas au delà de ce que celle excuse peut nous permettre.
Je ne te donnerai point l’inutile précepte d’éviter les passions, de te défier d’une sensibilité trop vive ; mais je te dirai d’être sincère avec loi-même, de ne point l’exagérer la sensibilité, soit par vanité, soit pour flatter ton imagination, soit pour allumer celle d’un autre.
Crains le faux enthousiasme des passions : celui-là ne dédommage jamais ni de leurs dangers ni de leurs malheurs. On peut n’être pas maître de ne pas écouter son cœur, mais on l’est toujours de ne pas l'ex-