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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/136

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enthousiaste de la liberté que M. Burke peut l’être de la tyrannie, aurait-elle, en défendant la constitution française, approché de l’absurde et dégoûtant galimatias par lequel ce célèbre rhétoricien vient de le combattre ? Les droits des citoyens n’auraient-ils pas été mieux défendus en France aux États de 1614 par la fille adoptive de Montaigne que par le conseiller Courtin, qui croyait aux sortilèges et aux vertus occultes ? La princesse des Ursins ne valait-elle pas un peu mieux que Chamillard ? Croit-on que la marquise du Châtelet n’eût pas fait une dépêche aussi bien que M. Rouillé ? Madame de Lambert aurait-elle fait des lois aussi absurdes et aussi barbares que celles du garde des sceaux d’Armenonville contre les protestants, les voleurs domestiques, les contrebandiers et les nègres ? En jetant les yeux sur la liste de ceux qui les ont gouvernés, les hommes n’ont pas le droit d’être si fiers.

Les femmes sont supérieures aux hommes dans les vertus douces et domestiques ; elles savent, comme les hommes, aimer la liberté, quoiqu’elles n’en partagent point tous les avantages ; et dans les républiques, on les a vues souvent se sacrifier pour elle ; elles ont montré les vertus de citoyen toutes les fois que le hasard ou les troubles civils les ont amenées sur une scène dont l’orgueil et la tyrannie des hommes les ont écartées chez tous les peuples.

On a dit que les femmes, malgré beaucoup d’esprit, de sagacité, et la faculté de raisonner portée au même degré que de subtils dialecticiens, n’étaient jamais conduites par ce qu’on appelle la raison.