Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 11.djvu/18

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Dans la destruction des corvées, enfin, je voyais que mes malheureux voisins ne seraient plus forcés de travailler sans salaire pendant quinze jours : qu’au contraire, ce changement, en assurant à chaque homme environ quinze journées de plus par année, suffirait pour prévenir, dans les campagnes, le manque d’ouvrage.

Je ne parle point de tout ce que ces sages opérations épargneraient au peuple de vexations, de concussions, d’inquiétudes, d’humiliations, de traitements cruels, etc.

J’ai peine à croire que votre législation fasse de plus grands biens.

Premièrement, quand le blé sera cher, le peuple des campagnes sera obligé d’aller à trois lieues de chez lui, et à des moments marqués, acheter, argent comptant, au marché le blé qu’il aurait pu acheter chez son voisin à toute heure, à meilleur marché et souvent à crédit. À la vérité, vous assurez que cette loi ne serait jamais exécutée, mais qu’il faut toujours la faire, afin de s’en servir contre qui l’on jugera à propos : et un des grands défauts que vous trouvez au système de la liberté, c’est qu’il ne fournit aucun prétexte pour punir les marchands de blé trop avides. J’avais toujours cru que des lois dont l’exécution n’était pas générale, dégénéraient en oppression ; qu’on ne les faisait valoir que contre ceux qui ne pourraient acheter le droit de s’y soustraire. Mais quoi qu’il en soit, si la loi est exécutée, il y a perte de temps et augmentation de prix pour le paysan ; si elle ne l’est pas, il y aura quelques avanies faites au hasard