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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 12.djvu/362

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exposition des principes et des motifs

assemblées convoquées pour d’autres motifs, les représentants de la nation se trouvent placés entre deux écueils : une facilité qui, pouvant être prise pour de la faiblesse, enhardit l’intrigue et les factions, avilit les lois et corrompt l’esprit national, et une résistance qui peut conduire à des insurrections. Ces insurrections, qui peuvent être dangereuses pour la liberté, le sont toujours pour la paix, et entraînent presque nécessairement des malheurs particuliers. Si cet état d’inquiétude se conserve dans le peuple, les mouvements qui se renouvellent, opposent à cette tranquillité, si nécessaire à la prospérité publique, des obstacles sans cesse renaissants ; et, au contraire, si le peuple se lasse lui-même de ses mouvements, bientôt les autorités établies apprennent à braver ses froides et timides réclamations ; et ses pétitions tranquillement déposées sur un bureau, ne servent qu’à prouver son indifférence, et encourager le désir d’en abuser. Ces réclamations irrégulières ont encore l’inconvénient d’entretenir, parmi les citoyens, des erreurs dangereuses sur la nature de leurs droits, sur celle de la souveraineté du peuple, sur celle des divers pouvoirs établis par la loi.

Enfin, il en résulterait une inégalité réelle entre les diverses portions de la république ; en effet, et les réclamations irrégulières, et les insurrections ou les mouvements qui peuvent en être la suite, ont une force plus grande, si le lieu qui en est le théâtre est celui où résident les pouvoirs nationaux, s’il est plus voisin de cette résidence, si le foyer de l’agitation est placé dans une ville plus riche, plus im-