cette dispute, M. de la Condamine n’avait cessé de
la défendre par des raisonnements, par des faits, et
même par des plaisanteries : c’est partout l’arme la
plus sûre, et même dans les pays où l’on ne parle
point au peuple assemblé, la seule qu’on puisse
employer avec succès contre les opinions populaires.
Très-peu d’hommes sont en état de suivre les preuves
d’une vérité ; mais tous rejettent une opinion qui
est devenue un ridicule. Cette disposition d’esprit
n’est point particulière aux Français. Chaque nation
a ses plaisanteries, bonnes ou mauvaises, tristes ou
gaies, dont ceux qui veulent dominer les opinions
font un usage également heureux.
M. de la Condamine vécut assez pour jouir du triomphe de l’inoculation pratiquée en Angleterre, en France, en Allemagne, dans le Nord, en Suisse, en Hollande, en Italie. L’Europe entière retentissait des succès des incubateurs : les rois, en se soumettant à l’inoculation, avaient entraîné une foule de particuliers ; et ses adversaires n’osaient plus l’appeler absurde ou impie. Ce n’était plus à la voix de la raison que l’on cédait, mais à celle de l’exemple, qui malheureusement est faite pour être entendue par un plus grand nombre d’hommes.
M. de la Condamine eut même la consolation de voir sa famille donner cet exemple dans la province, exposant sans cesse au public les succès de l’inoculation, et lui en préparant de nouveaux ; parlant toujours avec une candeur qui persuadait, avec une chaleur qu’il devait à une conviction intime, et ne laissant jamais au public le temps d’oublier l'inocu-