choses qui l’occupaient. Son zèle extrême pour tout
ce qui est utile ne lui permettait pas de croire qu’il
y eût rien d’indifférent : il entrevoyait dans tout une
utilité au moins éloignée ; et souvent il mettait aux
petites choses une importance fatigante pour les
autres. Sa curiosité devait le rendre indiscret ; elle
était en lui une véritable passion à laquelle il sacrifiait, sans même s’en apercevoir, ces bienséances d’usage qu’il est bon sans doute de respecter toujours,
mais auxquelles nous attachons peut-être trop d’importance.
Il était avide de réputation ; mais il semblait
en aimer par préférence ce qu’elle a d’incommode
pour la plupart des hommes, ces détails de
correspondances et de visites qu’elle entraîne. Il entretenait un commerce de lettres immense, et sur toutes
sortes d’objets, avec les savants de toutes les nations, et dans tous les genres. C’était un moyen de satisfaire à
la fois et sa curiosité et son amour pour la célébrité :
car le savant dont les étrangers parlent le plus, n’est
pas toujours celui qui fait les meilleurs ouvrages,
mais celui qui écrit le plus de lettres. Il entendait,
il écrivait même la plupart des langues vivantes : il
lisait tous les livres ; on aurait peine à citer une seule chose dont on ait parlé de son temps, et sur laquelle il n’ait pas écrit ; un homme célèbre avec qui il n’ait pas eu des liaisons ou des disputes ; un journal où il n’ait pas inséré quelque pièce. Il avait besoin de
répandre au dehors ses idées, ses opinions ;,
ses projets ; peut-être même aurait-il été fâché que le public fût longtemps sans s’occuper de lui. Répondant
à toutes les critiques, et flatté de toutes les louanges,
Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/223
Cette page n’a pas encore été corrigée
203
ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.