Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
208
ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


comme ils les surpassent en autorité : l’ordre de la société se rapprocherait de l’ordre de la nature ; et en obéissant à la raison plutôt qu’à la puissance, l’homme semblerait n’avoir perdu aucun de ses droits. Tel fut le principe qui dirigea M. Trudaine le père dans l’éducation de son fils ; tel est le but que le fils se proposa lui-même dans l’intervalle de temps qui sépara sa première éducation de l’époque où il devait se livrer aux affaires. Les lois furent le premier objet de ses études, et dans ce travail il eut son père pour guide : il ne se borna pas à une étude superficielle de la jurisprudence : né avec un esprit naturellement juste, il dut sans doute être blessé des défauts et de la complication de nos lois : mais c’était une raison pour lui de les étudier avec plus d’ardeur. Il sentait que le hasard l’avait fait naître dans un temps où le progrès rapide des lumières ferait bientôt désirer à la nation des lois plus simples, plus douces, plus conformes à ces principes généraux de la raison et de la nature, que l’esprit humain perfectionné a appris enfin à ne plus méconnaître ; mais il sentait en même temps que pour réussir à se faire écouter en proposant de corriger des lois qu’un vieux respect fait regarder comme sacrées, il faut que le réformateur puisse dire à ceux qui veulent les défendre : Je connais mieux que vous ces lois, que vous me reprochez de vouloir détruire ; et c’est parce que je les connais que je voudrais les changer. Il sentait que la connaissance des lois d’un pays est pour un administrateur ce qu’est la bravoure pour un général, une qualité commune