comme ils les surpassent en autorité : l’ordre de la
société se rapprocherait de l’ordre de la nature ; et
en obéissant à la raison plutôt qu’à la puissance,
l’homme semblerait n’avoir perdu aucun de ses
droits. Tel fut le principe qui dirigea M. Trudaine
le père dans l’éducation de son fils ; tel est le but
que le fils se proposa lui-même dans l’intervalle de
temps qui sépara sa première éducation de l’époque
où il devait se livrer aux affaires. Les lois furent le
premier objet de ses études, et dans ce travail il eut
son père pour guide : il ne se borna pas à une étude
superficielle de la jurisprudence : né avec un esprit
naturellement juste, il dut sans doute être blessé des
défauts et de la complication de nos lois : mais c’était
une raison pour lui de les étudier avec plus
d’ardeur. Il sentait que le hasard l’avait fait naître
dans un temps où le progrès rapide des lumières
ferait bientôt désirer à la nation des lois plus simples,
plus douces, plus conformes à ces principes
généraux de la raison et de la nature, que l’esprit
humain perfectionné a appris enfin à ne plus
méconnaître ; mais il sentait en même temps que pour
réussir à se faire écouter en proposant de corriger
des lois qu’un vieux respect fait regarder comme
sacrées, il faut que le réformateur puisse dire à
ceux qui veulent les défendre : Je connais mieux que
vous ces lois, que vous me reprochez de vouloir
détruire ; et c’est parce que je les connais que je voudrais les changer. Il sentait que la connaissance des lois d’un pays est pour un administrateur ce qu’est
la bravoure pour un général, une qualité commune
Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/228
Cette page n’a pas encore été corrigée
208
ÉLOGE DE M. TRUDAINE.
![](http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8b/Condorcet_-_%C5%92uvres%2C_Didot%2C_1847%2C_volume_2.djvu/page228-1024px-Condorcet_-_%C5%92uvres%2C_Didot%2C_1847%2C_volume_2.djvu.jpg)