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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/241

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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


infiniment plus grands. J’ai eu la douleur de voir mes intentions perpétuellement traversées par les préjugés les plus absurdes, les plus populaires : souvent desservi par les saisons, j’aurai traîné la vie la plus malheureuse, si je ne survis pas longtemps au moment où j’écris ; et je crois devoir le dire, afin de servir de leçon à mes fils : qu’ils fassent tous leurs efforts pour être utiles à la patrie ; ils doivent s’attendre à éprouver des contradictions et des obstacles ; mais qu’ils emploient tout leur courage pour les surmonter, comme j’ai tâché de leur en donner l’exemple : puissent-ils, pour leur bonheur, avoir un peu plus de calme que moi ! »

M. Trudaine se trompait sans doute, en formant ce dernier souhait pour ses enfants : ce calme qu’il semblait désirer pour eux et pour lui-même, et dont il était bien incapable, eût été de l’indifférence : malheur à l’homme d’État qui, dans une situation pareille, serait tranquille, ou mettrait tout son orgueil à le paraître !

Heureusement pour la nation, le repos rendit à M. Trudaine une partie de ses forces : sa santé affaiblie lui permit encore d’être utile ; il vit les lois à l’exécution desquelles il l’avait sacrifiée, adoucir les malheurs des récoltes, et donner à l’agriculture une activité nouvelle, que la suspension momentanée de ces lois n’eut pas le temps d’arrêter ; il les vit enfin rétablir, et il a eu cette consolation, la seule nécessaire à l’homme de bien, que les sacrifices qu’il avait faits n’ont point été perdus pour sa patrie.