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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/246

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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


lait que, si les talents recevaient d’autres distinctions que la gloire (récompense qui ne dépend pas de l’autorité), ces distinctions fussent dignes d’eux et de lui ; mais il pouvait donner toujours une récompense précieuse, grâce à ses lumières et à ses vertus ; c’était son suffrage. Les artistes, qui savaient combien ses connaissances étaient profondes et étendues, préféraient cette récompense à toutes les autres : il n’est pour un administrateur ignorant aucun moyen de remplacer cet avantage ; si les distinctions qu’il distribue peuvent flatter la vanité, jamais elles n’encouragent le talent.

Tels furent, dans ces différentes parties de son administration, les principes de M. Trudaine ; principes qui, comme nous l’avons déjà dit, furent la règle constante de sa conduite, et sur lesquels il ne varia jamais, parce que jamais il ne sacrifia ni sa raison aux circonstances, ni sa conscience à ses intérêts.

Ces principes n’étaient pas uniquement le fruit de l’étude profonde qu’il avait faite de l’art d’administrer les grands États. Peu d’hommes ont plus lu, plus médité sur cet objet important ; mais l’expérience l’avait encore plus éclairé que la théorie. Trouvant presque partout dans les détails de son administration, des opinions, des usages, des règlements contraires à ses principes, il avait été fatigué de cette foule d’inconvénients et de désordres qu’il en voyait naître à chaque instant : il avait été affligé des maux sans nombre qui en étaient la suite ; et ce que le raisonnement avait fait découvrir aux autres, il l’avait vu.