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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/276

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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


tance excessive que quelques botanistes peu philosophes sont attachée à leurs méthodes artificielles.

Les anciens paraissent n’avoir étudié que les plantes qui servent à la nourriture des hommes, à la médecine et aux arts, et le nombre de ces plantes était trop borné pour que l’embarras de les connaître et de les étudier obligeât de recourir à des méthodes. À la renaissance des lettres, on s’aperçut que si l’on ne consentait jamais à s’occuper d’un objet avant d’en avoir reconnu l’utilité, on serait exposé à ne connaître de longtemps des choses très-utiles : on sentit que si le hasard seul avait fait découvrir tant de propriétés dans les productions de la nature, le hasard, aidé de l’esprit d’observation et de recherches, ne devait pas être moins fécond ; d’ailleurs, par une suite des idées philosophiques alors généralement adoptées, on croyait que rien de ce qui existe sur la terre ne peut être inutile à l’homme ; idée consolante et qu’il ne faut pas trop condamner, parce que, quand bien même la nature n’aurait pas tout fait pour nous, le génie de l’homme parviendra un jour à employer pour lui tout ce qu’elle a fait. On étudia donc les plantes, non pour reconnaître celles que les hommes savaient employer à leurs besoins, mais pour connaître les plantes en général et apprendre à les rendre utiles : on trouva bientôt qu’elles étaient en trop grand nombre pour qu’on pût en suivre l’étude sans employer des divisions méthodiques, et les botanistes furent longtemps occupés à chercher les divisions les plus sûres et les plus commodes, ou à déterminer les caractères qui