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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/281

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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.

M. de Jussieu ne retira de la familiarité de son souverain aucun avantage, que le plaisir toujours piquant, même pour un philosophe, d’avoir vu de près un homme de qui dépend le sort de vingt millions d’hommes : il ne demanda rien, et on ne lui donna rien, pas même le remboursement des dépenses que ses fréquents voyages lui avaient causées. Cependant le roi ne l’avait pas oublié ; il cessa, au bout de quelques années, de le mandera Trianon, où sa présence n’était plus utile ; mais il parlait souvent de M. de Jussieu avec intérêt : un tel homme devait en effet laisser des traces profondes, surtout dans l’esprit d’un roi, condamné à ne voir presque jamais que des courtisans.

L’arrangement du jardin de Trianon pouvait être, pour M. de Jussieu, un moyen de développer ses idées sur la botanique ; mais à cette époque il n’en était pas encore assez content. M. Linnæus avait publié un catalogue de genres de plantes divisés en ordres naturels, et M. de Jussieu adopta cette distribution. Il plaça seulement les classes de M. Linnæus dans un ordre différent, et fit quelques changements dans la distribution des genres ou dans le nombre des classes, d’après des vues qu’il avait alors ; mais le mérite de ces changements était perdu pour tout autre que pour des botanistes capables d’en pénétrer les raisons. Cependant, à mesure que M. de Jussieu examinait ces ordres de plantes, et y trouvait de nouvelles corrections à faire, il s’éloignait insensiblement de ce qu’il avait paru vouloir adopter d’abord, et la méthode naturelle de M. Lin-