gères, et peut-être aussi M. de Haller dut-il une partie de ses succès, comme poète, à la réputation qu’il avait acquise comme physicien, Les gens de lettres apprirent avec surprise que l’auteur de ces
poésies si douces et si aimables était un médecin
qui passait sa vie au milieu des cadavres, occupé
de chercher les ressorts les plus secrets de l’organisation et de la vie : et les savants virent avec complaisance que quelques instants de loisir où M. de
Haller s’était livré à son goût pour les vers, lui
avaient mérité une place parmi les premiers poètes
de sa nation. Des critiques, trop sévères peut-être,
ont reproché à ses poésies une imitation, quelquefois
un peu marquée, du style oriental. Ce style,
imposant et sublime, plaît dans les auteurs originaux,
parce qu’il y paraît l’expression naturelle des
idées du poète, et qu’il pique par sa singularité
même, en nous transportant dans ces époques de
la nature forte, mais sauvage, que l’on aime à se
retracer : mais ce même style blesse souvent dans
les imitateurs, parce qu’il semble que les modernes,
si différents des anciens peuples par leurs mœurs
ou leurs opinions, ne doivent avoir ni les mêmes
idées, ni la même manière de les rendre : on soupçonne
alors que ces imitations orientales pourraient
bien n’être qu’un effet de l’art du poète, occupé de
déguiser, sous des tournures extraordinaires, des
idées qui, sans cet appareil étranger, n’eussent été
que des idées très-communes. Personne n’avait moins
besoin d’une telle ressource que M. de Haller ; et
ce style (s’il est vrai qu’il en ait abusé dans ses
Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/309
Cette page n’a pas encore été corrigée
289
ÉLOGE DE M. DE HALLER.
![](http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8b/Condorcet_-_%C5%92uvres%2C_Didot%2C_1847%2C_volume_2.djvu/page309-1024px-Condorcet_-_%C5%92uvres%2C_Didot%2C_1847%2C_volume_2.djvu.jpg)