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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/321

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ÉLOGE DE M. DE HALLER.


servée, mais que personne n’avait ni décrit les phénomènes de l’irritabilité avec exactitude, ni démêlé que la fibre musculaire est la seule partie qui en soit douée essentiellement, et que les organes n’en sont susceptibles qu’en raison des fibres musculaires qui entrent dans leur composition ; ni démontré que la sensibilité et l’irritabilité diffèrent par leur nature, et appartiennent à des parties différentes : cette franchise augmenta la gloire de M. de Haller au lieu de la diminuer.

On sent combien il est aisé de se tromper dans des expériences de ce genre ; combien il est facile en touchant, par mégarde, une partie sensible, de causer une douleur, et de l’attribuer à la partie insensible qu’on examine ; de rapporter à l’irritabilité ou à la sensibilité propre d’une partie, les phénomènes que produit l’irritabilité des muscles qui y sont attachés, ou la sensibilité de ses nerfs ; de prendre enfin pour un effet de l’irritabilité l’effet d’un caustique ou celui de l’élasticité : aussi M. de Haller avouait-il lui-même qu’il s’était trompé plusieurs fois ; il prit même pour devise, à la tête d’un de ses ouvrages, une boussole avec ces mots : Fidem non abstulit error. Cet aveu suffit pour justifier à la fois et les hommes célèbres qui l’ont combattu, et la juste confiance qu’il avait dans le dernier résultat de ses travaux.

Ses expériences n’avaient pu être faites sans assujettir un grand nombre d’animaux à des douleurs cruelles ; et c’eut été acheter bien cher une vérité inutile : M. de Haller le sentait. Sa pitié pour les vic-