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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/369

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ÉLOGE DE M. DE LINNÉ.


gomme gutte qu’on employait depuis longtemps, sans savoir quel arbre les avait produits, et quelles préparations on leur avait fait subir.

Le suffrage de la plupart des compagnies savantes de l’Europe, l’adoption presque générale du système de botanique de Linnæus, avaient appris à la Suède à le regarder comme un savant qui faisait honneur à son pays : ses travaux, dirigés vers le bien public, le montraient à ses compatriotes comme un citoyen utile ; l’envie fut réprimée cette fois par l’enthousiasme national. M. de Linné fut le premier homme de lettres décoré de l’ordre de l’Étoile polaire. Cette nouveauté fit peut-être moins d’honneur au savant qui le reçut, qu’aux lumières du gouvernement de Suède : en accordant cette distinction à M. de Linné, ce gouvernement montrait que l’emploi d’éclairer les hommes était à ses yeux une fonction publique, et avait droit aux mêmes récompenses.

M. de Linné obtint, quelques années après, un rang dans la noblesse suédoise ; il retrancha alors de son nom la terminaison latine qu’il y avait ajoutée, suivant l’usage de son pays. Mais ce nom était déjà trop illustré pour qu’il fût en son pouvoir de le perdre ; et le chevalier Von Linné ne fut jamais que Linnæus pour l’Europe savante, comme le baron de Vérulam n’a jamais été que Bacon pour les philosophes. Les marques de l’estime personnelle des princes sont toujours flatteuses pour un savant qui aime la gloire : quel que soit le prince qui les accorde, elles prouvent du moins une grande célébrité. Celles que M. de Linné reçut de ses souverains