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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/374

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ÉLOGE DE M. DE LINNÉ.


de ce qu’ils savent, il faut avoir l’art de s’emparer de leur imagination par des peintures séduisantes, de soutenir leur attention par des traits ingénieux ou brillants, de réduire la science à des résultats piquants et faciles à saisir. M. de Linné sentit que cet art lui manquait, et peut-être même eut-il l’injustice de le mépriser, comme le talent de ceux que la nature a formés pour publier et non pour découvrir ses secrets.

Ce n’est pas que dans les ouvrages qu’il a donnés en sa langue naturelle, ses compatriotes n’aient trouvé un style élégant et agréable, et le genre d’éloquence le plus rare de tous, le seul aussi peut-être qui convienne vraiment à des ouvrages philosophiques, qui consiste à renfermer beaucoup d’idées en peu de mots, et à exprimer dans un style noble et simple des vérités neuves et importantes : mais cette éloquence n’est pas celle qui frappe le grand nombre ; et comme c’est aux passions des hommes qu’il faut parler si l’on veut les conduire, c’est à leur imagination qu’il faut s’adresser si l’on aspire à régner sur leurs goûts ou sur leurs opinions.

On voit dominer dans tous les ouvrages de M. de Linné un grand respect pour la Providence, une vive admiration de la grandeur, de la sagesse de ses vues, une tendre reconnaissance pour ses bienfaits : ce sentiment n’était point en lui une croyance inspirée par l’éducation ; ce n’était pas même cette conviction que l’on conserve après avoir examiné et discuté une fois dans sa vie les preuves d’une opinion. Il croyait à la Providence, parce que chaque jour, de