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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/415

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ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


de faire des romans, et que, depuis, l’amitié d’un grand roi a rendu célèbre.

M. Lieutaud composa pour ses élèves une exposition anatomique, dont la première édition mérita les éloges de Winslow, qui cependant y était critiqué : cet ouvrage, perfectionné depuis, a été regardé comme un livre classique par de savants professeurs. L’auteur supprima dans la dernière édition toutes les théories hypothétiques, qu’un reste d’esprit professorial (ce sont ses termes) avait laissées dans les précédentes. Peut-être, en effet, en coûte-t-il plus encore d’avouer publiquement son ignorance devant ses élèves que de la laisser voir à ses lecteurs ; d’ailleurs, un professeur qui se permet d’avancer ses opinions dans une leçon, devant des jeunes gens accoutumés à respecter en lui la supériorité d’un maître, doit être plus timide lorsqu’il s’agit de consacrer ces mêmes opinions, d’une manière durable, dans des livres qui doivent avoir pour lecteurs ses égaux et ses juges. Ainsi, le goût des hypothèses se contracte dans les écoles, et il est plus difficile à un professeur qu’à un écrivain de l’éviter ou de s’en défaire. On a cru même, pendant longtemps, que ces hypothèses étaient utiles pour exercer la jeunesse, comme si l’art de faire valoir des chimères, ou d’en imposer aux ignorants, devait faire partie de l’éducation : il faut convenir cependant qu’un médecin qui proscrirait toute explication vague, tout raisonnement fondé sur des hypothèses, étonnerait bien ses malades, et leur paraîtrait bien sec et bien peu consolant.