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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/558

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ÉLOGE DE M. D’ANVILLE.


sement de ses organes, et il succomba sous le poids de l’âge et des infirmités le 28 janvier 1782.

M. d’Anville eut toutes les bonnes qualités que doit avoir un homme laborieux, dont le plus grand plaisir est l’étude ; la science qu’il cultive, la passion dominante ; et la gloire d’y exceller, la seule ambition. On lui reprochait de laisser apercevoir la bonne opinion qu’il avait de lui-même ; mais cette bonne opinion était excusable : on ne consacre point sa vie à un objet, on ne lui fait point le sacrifice entier de son temps et de ses forces, sans éprouver pour cet objet un véritable enthousiasme, sans être pénétré de son importance, sans l’exagérer même ; heureux, lorsque l’objet de cet enthousiasme est une science utile et difficile ! M. d’Anville regardait donc la géographie comme une des connaissances les plus dignes d’occuper les hommes, et il ne pouvait ignorer qu’il était, dans cette science, le premier de ses contemporains.

Il n’avait jamais pu se résoudre à rien négliger de tout ce qui pouvait lui procurer quelque instruction ; il était assuré que sur chaque objet il avait tout lu, tout étudié ; ce n’était qu’après un travail opiniâtre qu’il prenait un parti, qu’il embrassait une opinion ; il était donc naturel qu’il y tînt fermement, qu’il la soutînt d’un ton tranchant, et ce ton pouvait paraître dur, surtout lorsque des hommes qui avaient pensé quelques heures à ce qui l’avait occupé toute sa vie, se croyaient en droit de disputer avec lui et de le contredire ; dans toute autre circonstance, il était doux, gai, même très-modeste,