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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/581

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ÉLOGE DE M. BERNOULLI.

L’analyse des probabilités, par la nature piquante de ses résultats, par son utilité, et surtout par la prise qu’elle donne à cette sagacité indépendante des méthodes de calcul, est une des parties des mathématiques vers lesquelles M. Bernoulli devait se sentir entraîné avec un attrait plus vif. Dans son premier mémoire sur cette théorie, il examine une des règles fondamentales de ce calcul, qui prescrit, pour évaluer le sort de chaque intéressé, de multiplier la valeur de ses espérances par la probabilité de l’événement ; il fait voir que cette règle, appliquée à la pratique, à la conduite de la vie, mènerait à des résultats absurdes, et il propose de la corriger, en substituant à la valeur absolue de l’espérance une valeur qu’on pourrait appeler l’espérance relative. Selon lui, l’espérance de gagner une somme ne serait pas exprimée par la somme elle-même, mais par le rapport de cette somme à la fortune de celui qui doit la gagner. Il en résulte que, dans les parties liées, les pertes successives, quoique égales entre elles, doivent être regardées comme plus grandes à mesure qu’elles diminuent le bien de celui qui perd ; tandis que les gains doivent être regardés comme plus petits, à mesure qu’ils augmentent la fortune de celui qui gagne.

Par cette méthode, on trouve que si deux joueurs égaux en fortune jouent à un jeu égal, la valeur de

    Depuis, M. l’abbé Bossut a publié, sous le titre d’Hydrodynamique un ouvrage fait sur un plan plus étendu, où il traite plusieurs questions dont M. Bernoulli ne s’était point occupé, et en résout plusieurs autres avec plus de simplicité et de précision.