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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/619

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ÉLOGE DE M. MARGRAAF.


savants sont le plus exposés à donner leurs hypothèses pour de véritables principes, on risquerait encore de s’égarer si l’on se bornait aux leçons d’un seul maître, quand même on aurait choisi celui que la renommée place au premier rang ; car ce temps est aussi celui des réputations usurpées.

Les voyages sont donc alors le seul moyen de s’instruire, comme ils l’étaient dans l’antiquité et avant la découverte de l’imprimerie. Le père de M. Margraaf le sentit ; il envoya son fils étudier successivement sous Newman, sous Hoffman, sous Junker, sous Henkel, enfin sous Spielman, au fils duquel M. Margraaf a eu le plaisir de rendre les leçons qu’il avait reçues de son père, en s’acquittant avec usure de la dette qu’il avait contractée.

C’est dans les laboratoires de ces savants chimistes, c’est en suivant les détails de leurs manipulations, en saisissant les traits de lumière qu’ils laissaient échapper, en épiant ces petits secrets de l’art dont chaque maître était alors jaloux de conserver la possession exclusive, que M. Margraaf parvint à rassembler tout ce qu’il était alors possible de savoir. Il revint dans sa patrie au bout de dix ans, chargé d’une immense collection de faits et de procédés, mais bien convaincu de la nécessité de les soumettre à un examen rigoureux ; et depuis ce moment sa vie entière a été partagée entre son laboratoire et l’Académie de Berlin.

L’inventeur du phosphore, quel qu’il soit, a mérité de se voir disputer sa découverte pour avoir voulu en faire un secret : c’est la suite ordinaire et