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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/657

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ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


progrès des sciences physiques, qu’il croyait être celles dont les secours sont d’une utilité plus immédiate et plus sûre ; d’ailleurs, c’est un sentiment naturel à l’homme, de trouver bien les choses avec lesquelles le temps l’a familiarisé, de craindre tout changement parce qu’il lui donne la peine de s’accoutumer à des usages nouveaux, et les hommes même les plus éclairés ne sont pas à l’abri de ce pouvoir de l’habitude.

Il ne se maria point, n’en eut même jamais le désir ni le projet, et il voyait avec peine les savants prendre un état qui les obligeait de sacrifier à de nouveaux devoirs leur temps et surtout leur indépendance. On a demandé si pour un homme de lettres le célibat était préférable au mariage, et l’on a discuté cette question d’après les principes de la médecine et d’après ceux de la philosophie ; mais ne serait-elle point du nombre de ces questions dont la solution générale est impossible, parce que la constitution, le caractère, le degré et l’espèce de sensibilité de chaque individu en sont les éléments nécessaires ? La réponse doit-elle être ici la même pour toutes les espèces de travaux ? pour l’écrivain politique comme pour le géomètre, pour l’homme livré à des études sédentaires et pour le savant qui veut soumettre à des lois générales des phénomènes dispersés sur toute la surface du globe, pour celui qui, suivant la marche lente et sûre des sciences physiques, doit tout à la méditation, ou pour celui qui, dans la carrière des lettres, attend tout de son imagination ou de son âme ? Heureusement cette ques-