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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/130

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ÉLOGE DE M. DE TRESSAN.


jamais, avait conservé toute sa force, et que la dépendance où l’âme est de nos organes, n’est ni si absolue ni assujettie à des lois si régulières qu’une observation superficielle nous porte à le croire.

Il désira vivement d’être de l’Académie française, et obtint, à l’âge de soixante-quinze ans, un titre dont il ne devait pas jouir longtemps, mais dont il jouit avec toute la vivacité, toute la sensibilité d’un jeune homme qui l’aurait obtenu pour le prix d’un premier succès.

Le dernier ouvrage de M. de Tressan doit intéresser particulièrement l’Académie des sciences : c’est un éloge de Fontenelle, de cet homme qu’elle regrettera longtemps, à qui peut-être elle doit une partie de sa gloire, et ce qui est encore plus précieux, de cet esprit philosophique qui lui fait tolérer toutes les hypothèses sans en adopter aucune ; résister aux opinions nouvelles, mais encourager les découvertes ; et, en conservant l’esprit de doute dans les justes bornes que prescrit la sagesse, être à la fois un appui utile pour les véritables inventeurs, et une barrière contre le charlatanisme. M. de Tressan avait beaucoup vécu avec Fontenelle ; il l’avait vu contribuer aux progrès des sciences autant peut-être qu’aucun homme de génie, sans cependant les avoir enrichies d’une seule découverte, et cacher avec autant de soin la profondeur et l’étendue de ses vues philosophiques, que d’autres mettent de prétention à en montrer ; ne voulant pas que les hommes apprissent trop tôt tout le bien que la raison