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ÉLOGE DE M. EULER.


vant, Nicolas et Daniel Bernoulli avaient été appelés en Russie ; M. Euler, qui les vit partir avec regret, obtint d’eux la promesse de chercher à lui procurer le même honneur qu’il ambitionnait de partager ; et il ne faut pas en être surpris. La splendeur de la capitale d’un grand empire, cet éclat qui, se répandant sur les travaux dont elle est le théâtre et sur les hommes qui l’habitent, semble ajouter à leur gloire, peut aisément séduire la jeunesse, et frapper le citoyen libre, mais obscur et pauvre, d’une petite république. MM. Bernoulli furent fidèles à leur parole, et se donnèrent, pour avoir auprès d’eux un concurrent si redoutable, autant de soins que des hommes ordinaires en auraient pu prendre pour écarter leurs rivaux.

Le voyage de M. Euler fut entrepris sous de tristes auspices ; il apprit bientôt que Nicolas Bernoulli avait déjà été victime de la rigueur du climat ; et le jour même où il entra sur les terres de l’empire russe, fut celui de la mort de Catherine Ier, événement qui parut d’abord menacer d’une dissolution prochaine l’académie dont cette princesse, fidèle aux vues de son époux, venait d’achever la fondation. M. Euler, éloigné de sa patrie, n’ayant point, comme M. Daniel Bernoulli, à y rapporter un nom célèbre et respecté, prit la résolution d’entrer dans la marine russe. Un des amiraux de Pierre Ier lui avait déjà promis une place, lorsque, heureusement pour la géométrie, l’orage élevé contre les sciences se dissipa ; M. Euler obtint le titre de professeur, succéda, en 1733, à M. Daniel Bernoulli, lorsque