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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/359

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


les philosophes l’ont suivi dans leurs raisonnements : mais il cesse d’être juste, si on l’introduit dans le calcul même, et surtout si on veut l’employer à établir des théories, à expliquer des paradoxes, à prouver ou à combattre des règles générales. D’ailleurs, cette probabilité, qui peut s’appeler certitude morale, doit être plus ou moins grande, suivant la nature des objets que l’on considère, et les principes qui doivent diriger notre conduite ; et il aurait fallu marquer pour chaque genre de vérités et d’actions, le degré de probabilité où il commence à être raisonnable de croire et permis d’agir.

C’est par respect pour les talents de notre illustre confrère, que nous nous permettons de faire ici ces observations : lorsque des opinions qui paraissent erronées se trouvent dans un livre fait pour séduire l’esprit, comme pour l’éclairer, c’est presque un devoir d’avertir de les soumettre à un examen rigoureux. L’admiration dispose si facilement à la croyance, que les lecteurs, entraînés à la fois par le nom de l’auteur et par le charme du style, cèdent sans résistance, et semblent craindre que le doute, en affaiblissant fin enthousiasme qui leur est cher, ne diminue leur plaisir. Mais on doit encore ici à M. de Buffon, sinon d’avoir répandu une lumière nouvelle sur cette partie des mathématiques et de la philosophie, du moins d’en avoir fait sentir l’utilité, peut-être même d’en avoir appris l’existence à une classe nombreuse, qui n’aurait pas été en chercher les principes dans les ouvrages des géomètres ; enfin d’en avoir montré la liaison avec l'his-