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ÉLOGE DE M. EULER.


livrer à sa passion dominante. Aussi les savants lui ont-ils reproché d’avoir quelquefois prodigué son calcul à des hypothèses physiques, ou même à des principes métaphysiques dont il n’avait pas assez examiné, ou la vraisemblance ou la solidité ; ils lui reprochaient aussi de s’être trop reposé sur les ressources du calcul, et d’avoir négligé celles que pouvait lui donner l’examen des questions mêmes qu’il se proposait de résoudre. Nous conviendrons que le premier reproche n’était pas sans fondement ; nous avouerons que M. Euler le métaphysicien, ou même le physicien, n’a pas été si grand que le géomètre, et l’on doit regretter sans doute que plusieurs parties de ses ouvrages, par exemple, de ceux qu’il a faits sur la science navale, sur l’artillerie, n’aient presque été utiles qu’aux progrès de la science du calcul : mais nous croyons que le second reproche est beaucoup moins mérité ; partout, dans les ouvrages de M. F.uler, on le voit occupé d’ajouter aux richesses de l’analyse, d’en étendre et d’en multiplier les applications ; en même temps qu’elle paraît son instrument unique, on voit qu’il a voulu en faire un instrument universel. Le progrès naturel des sciences mathématiques devait amener cette révolution ; mais il l’a vue pour ainsi dire s’accomplir sous ses yeux ; c’est à son génie que nous la devons ; elle a été le prix de ses efforts et de ses découvertes. Ainsi, lors même qu’il paraissait abuser de l’analyse et en épuiser tous les secrets pour résoudre une question dont quelques réflexions étrangères au calcul lui pussent donné une solution simple et facile, sou-