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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/402

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


agitent pour des intérêts imaginaires. Il paraissait croire que le sauvage différait moins que la plupart d’entre nous, de ce que serait l’homme perfectionné par la raison, sans cesser d’être soumis à la nature.

Le roi d’Angleterre, qui avait formé, en 1754, le projet d’attaquer la France, convoqua un congrès général de députés des diverses colonies, pour concerter un système de défense commune. Franklin y fut envoyé, et proposa entre elles un plan d’union que le congrès accepta ; mais il ne plut ni aux assemblées particulières de chaque État, ni au gouvernement britannique. Aucune menace n’avait encore fait sentir aux colonies le besoin de cette réunion, qui devait ôter à chacune une partie de son indépendance ; et le gouvernement anglais était à la fois trop habile pour ne pas prévoir ce que cette nouvelle institution préparait de résistance à ses entreprises tyranniques, et trop peu éclairé pour savoir qu’il ne lui restait plus que le pouvoir de diriger une révolution, suite inévitable de la prospérité toujours croissante des colonies. L’indolence ou l’orgueil d’un côté, la perfidie de l’autre, firent rejeter un plan formé par la prévoyance et tracé par la sagesse. Vingt-quatre ans après, il servit de base au congrès qui déclara l’indépendance ; et peut-être eût-il été à désirer que, dans la nouvelle constitution, on en eût imité davantage la simplicité. On a reproché à Franklin d’y avoir accordé un droit négatif à un gouverneur nommé par le roi de la Grande-Bretagne ; mais les circonstances l’exigeaient ; c’était le lien qui devait réunir un rejeton, faible