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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/464

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ÉLOGE DE FOURCROY.

plissait ses devoirs parce qu’il les aimait. La nature lui avait donné de la fermeté et même de la raideur dans le caractère ; l’austérité de sa morale y avait encore ajouté ; mais il comptait la douceur, la patience au nombre de ses devoirs, et sa vertu, en tempérant cette sévérité, avait corrigé son propre ouvrage. Il poussait le désintéressement au plus haut degré, et se croyait obligé de dépenser chaque année dans sa place la totalité de ses appointements.

Aussi, malgré la plus grande simplicité, Fourcroy a-t-il vu diminuer et presque s’anéantir le faible patrimoine qu’il avait en entrant au service : exemple rare dans un temps d’avidité et de dissipation, où l’on avait vu s’élever sur les débris de la richesse publique tant de fortunes scandaleuses, créées par l’intrigue, dévorées par la fantaisie ; où le sang du pauvre était devenu le patrimoine de la bassesse et de l’orgueil, et où l’on avait poussé la corruption jusqu’à s’honorer d’une richesse acquise aux dépens du pauvre, comme d’un droit de sa naissance ou d’une preuve de son crédit.

Fourcroy ne se repentit point de ce désintéressement qui ne lui permettait pas d’assurer le sort de sa femme. Il croyait que cinquante-quatre ans consacrés à son pays, donneraient à la compagne de sa vie des droits à la reconnaissance publique ; et c’était précisément parce que le règne de la justice avait remplacé celui de la faveur, qu’il vit sans inquiétude approcher ses derniers moments, se reposant d’un intérêt si cher sur une nation qui était généreuse avant d’être libre, et dont la liberté, en