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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/521

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


véritable religion ; et c’est seulement en qualité de bons controversistes qu’ils demandent qu’on leur permette de vivre.

Calvin, en allumant le bûcher de Servet, semblait avoir ôté à ses disciples le droit de se plaindre.

On reprocha à l’Hôpital d’avoir permis les assemblées peu de mois après les avoir défendues ; on lui reprocha cette législation chancelante : il s’en excusa sur le malheur des temps, sur l’aigreur des esprits, qui l’obligeait d’ordonner, non ce qui était le mieux, mais ce qui était possible ; sur la nécessité d’apporter sans cesse de nouveaux remèdes à des maux nouveaux qui s’aggravaient sans cesse. L’Hôpital n’ignorait pas que dans des temps tranquilles les variations dans les lois annoncent une autorité flottante, une âme faible, ou une politique perfide ; qu’elles ne peuvent qu’avilir un prince dont on voit les principes et la volonté changer au gré des intrigants qui le gouvernent, ou des factieux qui le bravent : méprisé par ses voisins pour qui il n’est qu’un particulier, et qui n’accordent leur respect qu’à la puissance réelle et leur confiance qu’aux vertus, ses sujets eux-mêmes ne respectent plus en lui l’appareil d’un pouvoir qu’ils ont vu trop souvent échapper de ses mains. L’Hôpital avait dans le cœur trop d’élévation et de franchise, pour dégrader ainsi le prince qui s’était abandonné à ses conseils ; mais il ne craignait point de montrer à la France un jeune roi occupé du bonheur de ses sujets, qui cherchait du moins à pallier leurs maux puisqu’il ne pouvait les guérir, et qui, pour assurer leur repos, n'atten-