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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/530

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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


dressés ; des villes et des villages réduits en cendres ; les places publiques, les édifices encore souillés du sang de ses sujets massacrés. Ici, au lieu d’un sol jadis habité et fertile, s’offraient d’immenses déserts couverts de ruines, dont les tristes habitants échappés au massacre et à la misère, étaient allés attendre en gémissant sous un ciel étranger, qu’il leur fût permis de se nourrir en paix du fruit de leurs sueurs. Là, des villes où l’industrie et le commerce avaient rassemblé un peuple immense, n’étaient plus que le repaire de deux troupes de controversistes prêts à s’égorger.

À travers les débris que les guerres civiles avaient épargnés, l’Hôpital découvrait aux yeux de Charles les traces moins effrayantes, mais plus profondes encore, des maux qu’avaient causés à la France la déprédation des finances et l’anéantissement des lois. Il espérait que ce spectacle de la désolation d’un grand empire frapperait assez l’âme du jeune roi, pour qu’à l’avenir il ne pût faire le mal sans un sentiment douloureux : alors, toutes les fois que, sous le prétexte d’un faux zèle, on lui aurait proposé une loi d’intolérance, le souvenir de ce qu’il avait vu aurait suspendu son bras ; et si un penchant naturel à un jeune prince l’avait porté à répandre des grâces sur les courtisans, le spectacle d’une province réduite à la misère eût arrêté cette générosité trompeuse et funeste.

Les bonnes intentions de l’Hôpital furent trompées. Catherine avait été son appui aussi longtemps que, dépositaire de l’autorité, entourée d’ennemis