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ÉLOGE DE M. BEZOUT.


même au péril de ses jours, est un de ces traits qui répondent d’une vie entière.

M. Bezout, quoique livré presque exclusivement à la géométrie, n’avait pas négligé d’acquérir des connaissances même très-étendues sur la plupart des branches de la physique ; et c’est à lui que l’Académie doit la première connaissance de ces grès cristallisés de Fontainebleau, sur lesquels M. de Lassone a donné depuis plusieurs savants mémoires.

M. Bezout s’était marié très-jeune, et comme alors il était sans fortune, il avait pu suivre le choix de son cœur. Cette union fut heureuse ; il fut très-bon père, non-seulement parce que c’est un devoir, mais parce qu’il aimait à vivre au milieu de sa famille, et qu’il préférait cette société si douce et si sûre, ces soins si touchants, aux plaisirs qu’on trouve ou qu’on doit trouver dans le monde. Né avec un cœur droit, il aimait le travail et la retraite ; aussi eut-il toutes les vertus et quelques-uns des défauts qui sont la suite du goût de la solitude : défauts bien plus excusables que ceux qui se contractent par l’habitude des hommes et des affaires. Les premiers font souffrir surtout celui qui n’a pu s’en préserver, au lieu que le poids des derniers retombe tout entier sur les autres hommes. Réservé dans la société, parce qu’il y était étranger, il ne s’y montrait pas tel qu’il était. Son extérieur était froid, et il avait une âme ardente et sensible ; sa conversation était commune, et elle cachait une grande sagacité et des connaissances étendues et profondes : aussi son portrait tracé par ses amis, ou par ceux qui ne l’ont connu que super-