traste effrayant, tant de grandeur avec tant de bassesse, en faisant observer que l’ordre des sociétés n’est fondé que sur notre faiblesse et sur nos vices, que nos découvertes sublimes dans les sciences nous ont laissé toute notre méchanceté, que nos actions
les plus sublimes sont corrompues par le désir
qu’elles soient connues, que le sentiment du juste
et de l’injuste, si général et si prompt, n’en est que
plus propre à nous égarer, et ne peut être assujetti
par la raison à une règle invariable et solide ; Pascal
espérait faire sentir à l’homme qu’il est sous la main
d’un Être tout-puissant qui l’a créé pour un état de
grandeur, mais qui le punit ; et lorsque, sentant le
poids de cette main toute-puissante, notre âme,
accablée de l’idée de la grandeur de son Dieu et de
sa propre faiblesse, aurait cherché, avec crainte et
avec amour, dans le sein de ce Dieu, des connaissances
et des consolations que la nature n’avait pu
lui donner, alors Pascal lui aurait présenté la religion
chrétienne, dont elle aurait embrassé avec ardeur
l’économie toute miraculeuse et les consolations surnaturelles.
Tel était le projet de Pascal ; son ouvrage devait être également éloigné de la méthode sèche et fatigante de Charron et de la liberté de Montaigne, plus propre à délasser l’esprit et à l’inviter à chercher en lui-même les vérités qu’on lui indique, qu’à le forcera croire une vérité dont on veut le convaincre. Le style devait être celui de la pensée de Pascal : La nature, qui seule est bonne, disait-il, est tout à fait familière et commune ; et l’on peut juger, par ce qui