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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/640

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ÉLOGE DE PASCAL.


qui ne voyait pas de différence entre des hommes tous enfants d’un même père.

Le caractère naturellement vif et impatient de Pascal avait été aigri par la douleur et par une mélancolie qui altérait même sa raison. Mais ces écarts étaient courts, et il se hâtait de les réparer par son repentir et ses excuses. Les derniers mois de sa vie furent remplis de souffrances, auxquelles on ne peut comparer que la résignation avec laquelle il les supporta. Il succomba le 19 août 1662, âgé de trente-neuf ans deux mois.

On a opposé avec force l’exemple de Pascal à ceux qui semblent avoir relégué, chez des femmelettes, la foi et les vertus purement religieuses.

Pascal non-seulement croyait les dogmes avec soumission ; mais il pratiquait la morale chrétienne jusqu’au scrupule. Il s’accablait de mortifications, de macérations même, comme si la nature ne lui avait pas donné des maux assez cruels. Il portait une ceinture de fer, dont il s’enfonçait les pointes dans la chair, lorsqu’il ne pouvait se défendre de quelques mouvements d’orgueil, seul péché qu’il pût commettre ; sa chasteté n’était ni celle d’un homme que l’habitude de méditer sur de grands objets éloigne des idées voluptueuses, ni celle à laquelle ses douleurs et sa faiblesse l’avaient condamné ; mais cette chasteté qu’un mot effarouche, qu’une seule pensée inquiète, et qui est aux yeux du monde une petitesse plutôt qu’une vertu. Voilà ce qu’on a répondu souvent à ceux qui osent parler avec mépris de la foi ou des vertus qu’elle enseigne, et qui ne sont pas celles de